« Une école pour Lucie »
Par Christèle – Maman de deux enfants dont Lucie
Janvier 2016
Lucie est née en 2000, elle a une grande sœur Léa qui a trois ans de plus.
C’est le 27 février 2008 que Lucie est frappée par le syndrome de FIRES. A l’époque, on nous disait DESC… Elle a alors 7 ½ ans et est en CE1.
Lucie est prise en charge au CHR de Rennes. Elle est plongée dans un coma pendant 2 mois, l’engagement vital est prononcé. Evidemment nous sommes démunis et surtout ne n’acceptons pas que les médecins ne puissent pas nous donner d’informations sur ce qui se passe. Lucie est dans le coma alors que tous les examens, bilans et analyses médicaux sont ‘normaux’. Nous sommes préparés au fait que si Lucie s’en sort, elle aura un handicap, mais on se sait pas de quel ordre : la motricité ? la vue ? l’ouïe ? des troubles cognitifs ???
Fin avril, Lucie est sortie du coma. Une seconde naissance. On découvre, on re-découvre notre enfant. Une reconstruction totale, sur le plan moteur, sur le plan psychique, sur le plan émotionnel,…
Elle redécouvre la vie, pose beaucoup de question sur la mort….
Sur le plan moteur, Lucie récupère très vite, elle dessine, dessine, dessine des cœurs, des pages entière de cœurs, des cœurs, des cœurs. Sans mots. Et puis la marche revient aussi assez rapidement. Toute la motricité est très vite récupérée.
Sur le plan moteur, Lucie récupère très vite, elle dessine, dessine, dessine des cœurs, des pages entière de cœurs, des cœurs, des cœurs. Sans mots.
Sur le plan psychique, Lucie présente des troubles du comportement très sévères, une amnésie très importante, une très grande fatigabilité, la perte du mot.
Les crises d’épilepsie sont toujours actives, des crises généralisées.
Plusieurs mois passent, Lucie intègre le centre de rééducation du CHR de Rennes. Nous découvrons petit à petit ses progrès, mais nous comprenons surtout qu’il faudra beaucoup de temps pour retrouver notre petite fille d’avant.
Puis elle intègre à temps partiel son école. Très vite en effet, elle parle des copines, de l’école, qu’elle souhaite retrouver. Une AVS accompagne Lucie. Mais du fait des crises, l’école nous fait comprendre qu’ils n’ont pas que Lucie et qu’il leur est donc difficile d’envisager le maintien de sa scolarité dans cette école. Je me propose donc d’être présente sur le site pendant les temps de présence de Lucie à l’école afin de gérer les éventuelles crises. Je m’organise, je me fais petite, je prends place dans la bibliothèque et je travaille en nomade !
Il semblerait que cette organisation ne soit pas ‘légale’ !!! Je ne peux plus être présente sur le lieu de l’école.
La psychologue scolaire qui devait rencontrer Lucie, n’est pas venue au RDV, une fois, puis une deuxième fois ! Nous avons ensuite été convoqués par le coordinateur pédagogique et toute l’équipe afin de discuter du projet de Lucie. Nous souhaitions vivement que Lucie reste dans cette école (et c’était surtout son souhait), la psychologue nous rétorque que ce n’est pas à l’enfant de décider !
Nous sommes en colère d’entendre ces propos d’une psychologue qui parle d’une enfant qu’elle n’a jamais rencontrée ! Voilà comment on construit un programme, un projet ? Les enfants ne sont que des objets que nous devons mettre dans des cases ?
Lucie est fâchée, elle nous en veut de ne pas avoir résisté, de ne pas avoir décidé.
On nous propose alors une prise en charge vers un IEM (Institut d’Education Motrice) : Je rappelle que Lucie a toute sa motricité !!!! En effet, cet établissement de proximité (environ 20 kms de la maison) permet à Lucie de rentrer tous les soirs, et puis surtout il n’y a pas d’autre proposition.
Elle se retrouve alors en 2010 dans ce nouvel établissement. Lucie n’y trouve pas son compte, les progrès sont fragiles, lents, les crises de plus en plus fréquentes.
Je cherche un établissement plus approprié aux besoins de Lucie, en vain !
Mais Lucie ne veut plus aller dans cette école, elle l’exprime très bien, et cela se traduit par des crises de plus en plus fréquentes à l’heure du taxi le matin !
En novembre 2013, une hospitalisation de toute urgence nous ramène quelques années en arrière !
Nous décidons alors de prendre les choses en main : les médecins ne savent pas ce qu’elle a, l’établissement ne correspond pas à ses besoins, nous savons que Lucie a un capital qu’il faut stimuler, dynamiser.
En février 2014, je quitte mon emploi. Je prends un peu de temps pour mieux observer Lucie, le matin, le soir. Etre plus disponible pour mieux sentir son besoin, ses inquiétudes. En mai, nous prenons la décision de la retirer de l’IEM.
Une fois cette décision prise, nous n’avons évidement plus de structure d’accueil. Nous prévenons alors les administrations… pas de nouvelles.
C’est en 2013 que nous avons commencé à travailler avec l’association DEVENIR-DOMINIQUE à Fonsorbes (31), nous y allions tous les 6 mois environ. Les thérapeutes après avoir évalués les besoins, établissent un protocole de rééducation et de stimulation. Un travail à faire chaque jour. Evidemment, avec une prise en charge dans un établissement, nous ne pouvions pas pratiquer le programme de façon efficace.
Je profite donc de cette période pour m’activer autour de ce programme et travailler de façon assidue avec Lucie.
Je deviens donc : maman-maîtresse-éducatrice-infirmière ! Je prends conscience effectivement que nous avons ce qu’il faut pour travailler, il faut maintenant mettre en place une organisation et surtout se faire entourer.
Mi-août, nous envoyons un mail à tous nos contacts proches, et lançons un ‘appel à l’aide’. Nous proposons une réunion pour présenter le problème de Lucie. Jusque là nous n’en avions pas beaucoup parlé, c’est comme si ce jour-là, nous avions enfin ouvert les volets de la maison !
Et là, c’est le grand virage, trente-cinq personnes répondent présentes dès le premier mail. Chacune est venue avec ses compétences, ses propositions, ses disponibilités,…
C’est à partir de là que l’association « Une école pour Lucie » a été créée avec pour objectif : Amener Lucie vers l’autonomie.
Puisque l’école pour Lucie n’existe pas, on va l’inventer !
Pour commencer, un coup de neuf dans un local attenant à la maison. En deux semaines, les bénévoles sont venus avec les outils et leur savoir faire pour aménager une espace : la classe, la Classe !
Lucie a fait sa rentrée le 08 septembre 2014.
Un emploi du temps adapté, des intervenants motivés.
Le programme a été bâti sur « le plaisir », Lucie doit prendre du plaisir. Le plaisir de faire, le plaisir d’apprendre.
La rééducation proposée par DEVENIR est programmée le matin : stimulation cérébrale pratique (au sol) et apprentissage.
L’après-midi est essentiellement dédiée aux thérapies et activités manuelles. Lucie doit retrouver la joie, le plaisir, la confiance en-elle, envers les autres. Le programme s’articule entre l’orthophonie, la psychomotricité, l’hypnose, le neurofeedback et aussi l’équithérapie, la cuisine, la piscine, le bricolage, la couture, la poterie, la vannerie… Un programme complet, varié et adapté. Chaque jour une « activité plaisir » est proposée.
Cette année scolaire a été merveilleuse, car elle a permis à Lucie de se reconstruire, de retrouver la joie, de s’ouvrir aux autres. Mais nous étions conscients du bémol dans toute cette organisation, sur l’aspect social ! En effet, une école pour elle toute seule, elle est pour le coup vraiment seule !
Il était essentiel et même vital de passer par une période de cocooning, une période de reconstruction pour elle, mais aussi pour nous tous. Nous étions également conscients que ce projet ne devait être qu’une passerelle pour un nouvel élan. L’autonomie ne s’acquiert pas seule à la maison !
Nous nous étions donnés 2 ans maximum pour trouver une solution extérieure.
Et puis, nous sommes rentrés en contact avec la Maison de l’Enfant de Castelnouvel à Lèguevin (31) ; Lucie a passée 3 semaines en juin en observation.
En août 2015, Lucie a pu intégrer la Maison de l’Enfant de Castelnouvel. Un établissement adapté à sa pathologie. L’éloignement (750 km de la maison) est un peu difficile, mais quel pas nous avons fait ! Jamais on aurait pu imaginer Lucie quitter le noyau familial, après les troubles du comportement qu’elle a pu avoir, … et puis prendre l’avion seule ! Nous avons fait un bon bout de chemin, elle a fait un long chemin, qui n’est pas fini nous le savons. La prise en charge de Lucie dans cet établissement est la continuité logique de tout le travail de l’association.
Les choses se dénouent, elle prend confiance, jamais on aurait imaginé Lucie se servir d’un téléphone portable ! Elle nous appelle tous les jours, et si on ne répond pas, on a même droit au SMS !!!
Les repères dans le temps sont très compliqués, la lecture de l’heure devient plus fluide, elle commence même à se projeter dans le temps (d’un week-end à l’autre, elle s’intéresse au programme).
Cette expérience a été essentielle pour nous tous. Prendre sa vie en main, ce n’est pas toujours facile, car il faut d’abord accepter de voir sa vie telle qu’elle est ! Et là, il nous a fallu beaucoup de temps.
Cette expérience d’école à la maison a été une année charnière de reconstruction, de prise de conscience, de confiance.
CONSCIENCE que Lucie a un potentiel, de la force, du courage, CONFIANCE en elle car on sait qu’elle va encore nous surprendre.
Aujourd’hui, nous avons maintenu l’association ‘une école pour Lucie’, l’objectif d’autonomie pour Lucie ne se tourne plus vers l’école, mais vers le projet du chien pour épileptique que nous avons découvert suite au stage en octobre dernier en Belgique. Un projet plein d’espoir, même si nous gardons aussi l’espoir de voir les crises s’arrêter, elles qui tendent considérablement à la baisse depuis 9 mois !